To phone or not to phone...
Au risque de plonger au plus profond du plus profond cliché, chers lecteurs, j’ai envie ce jour de m’attarder sur la manière tout à fait étonnante dont nos chers ados utilisent les moyens de communication modernes pour gérer leur vie sociale (voire sentimentale, mais sur ce dernier point je garderai un silence pudique).
Quinquas, quadras, trentenaires sur le retour, vous souvenez-vous comment nous procédions ? Oyez, ados, oyez : nous nous parlions en direct de nos projets, puis pour fignoler leur organisation, nous nous parlions…par téléphone. Fixe. Avec un fil. Et pas de signal d’appel. Et pas de forfait illimité, chaque minute était comptabilisée.
D’où la crise permanente de nos parents, se plaignant 1/que nous monopolisions le combiné et la ligne, et donc que personne ne pouvait joindre la maisonnée 2/que notre comportement égoïste générait des factures astronomiques.
D’où notre crise permanente 1/quand nos parents avaient le malheur de téléphoner à leurs propres amis (ben quoi, on attendait des coups de fil) 2/quand il s’agissait de s’isoler pour discuter tranquillement, vu le handicap que constituait ce fameux fil, jamais assez long et spécialiste du coinçage sous les portes.
Malgré ces petites réserves, cela fonctionnait bien.
Et nous n’étions pas terrorisés à l’idée de décrocher notre téléphone.
Aujourd’hui, les technologies de la communication ont fait des progrès hallucinants, mais au lieu de débrouiller nos ados, elles ont une fâcheuse tendance à les inhiber et à mettre à mal le plus élémentaire bon sens. Comme si, au lieu de tirer le meilleur parti de ces nouveaux outils, nos grands enfants se concentraient sur leurs limites. Morceaux choisis.
En vadrouille au centre commercial avec Mistinguette, cette dernière reçoit un texto d’une copine qui s’y trouve aussi. Après 15 minutes d’échanges stériles (t’es où, j’suis là, ah ben moi j’y étais y’a deux minutes, etc), le RV n’était toujours pas fixé. Petite crise de Coco : -mais pourquoi tu n’appelles pas ta copine scrogneugneu !!! Sous la menace ou presque, Mistinguette se résout à té-lé-pho-ner, ce qui lui permet de retrouver Iris qui était dans la boutique voisine (LOL). Les deux courgettes ont juste perdu 20 minutes, et comme nous sommes pressées, leur demi-heure de shopping est finalement très courte…
Samedi dernier, 13h, je demande à Junior s’il a des projets pour l’après-midi, il me répond qu’il ne sait pas mais que peut-être il va au ciné ou faire du vélo avec des potes. Question à deux balles de Coco : -Et comment vas-tu le savoir ? -Ben, on va se parler sur Facebook. -Ils n’ont pas de téléphone tes copains ? -Ben si, et alors ?
Samedi 14h –Tu ne pars pas ? –Non, Paul est pas connecté. –Et alors ? Il n’a pas de téléphone ? – Ben si, pourquoi ?
Samedi 16h –T’es encore là ? –Ouais, Paul peut pas mais Samir doit me dire s’il vient, c’est pour ça que je reste sur l’ordi – Il a pas de téléphone non plus Samir ? – Si mais on fait pas comme ça Maman, tu comprends rien…
Samedi 18h –Tu te souviens qu’on va tous dîner chez Fabien & Catherine, on part à 19h. –Kwouahhh ? Ah on ne me dit jamais rien ici, et en plus je dois voir Jérémy on a RV –Ah oui, où ça et quand ? – Ben, à 18h30… sur Facebook, pour se dire où on se retrouve.
No comment. Pas étonnant qu’ils soient épuisés, avec toute cette tension nerveuse.
Samedi 14h. Echange avec ma Grande. –Tu sors ce soir ? – Ouais, enfin j’sais pas, on doit se retrouver chez Isa vers 20h, mais ça dépend qui vient. – Tu le sauras quand ? – J’sais pas.
Samedi 16h. –T’en es où de ta soirée ? –J’y vais pas, Antoine et Amélie seront pas là, y’aura un groupe de nanas que j’aime pas, mais bon, j’attends un texto d’Amélie en fait. Et j’ai parlé à Julien sur Facebook, il vient peut-être.
Samedi 18h – M’man, si j’y vais finalement, tu pourras m’emmener à la gare, voire là-bas, (c’est pas très loin) ? – T’y vas ? –Ch’sais pas.
Samedi 19h – Nan mais j’vais rester là. –Amélie n’y vas pas ? –Si mais bon, pas envie.
Samedi 19h55 – Ma fille débarque sapée et maquillée dans le salon. –Bon, tu m’emmènes ? En fait j’y vais.
Là c’est moi que ça épuise.
J’en passe et des meilleures, les exemples ne se comptent plus. Et je ne parle pas des moments où ils doivent faire une démarche administrative : là, décrocher le téléphone est insurmontable. –Et si on envoyait un mail plutôt ? Poster un mail comme on botte en touche. Et attendre une réponse immédiate, mais sans contact direct. Nos chéris sont en train de se fabriquer des cocons faussement protecteurs et de se créer de réels handicaps en matière de communication. Bon, ok, je deviens rasoir et ce n’est pas l’objet du présent billet. SOS, jeunes gens, décoincez-vous du téléphone : les choses se règlent souvent bien mieux en en parlant. C’est Mamie Coco qui vous le dit ;-)